L'énigme de l'immobilier français : surabondance de logements, manque d'habitants.

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Selon une vaste étude de l’Insee, un quart des résidences principales françaises disposent de trois pièces de plus que nécessaire. Un phénomène structurel lié à l’âge, à la propriété, et à la sédentarité résidentielle, qui remet en question les politiques de logement dans un marché toujours tendu.
 

Une France de maisons vides... mais pas abandonnées
Le chiffre a de quoi surprendre : 7,6 millions de logements en France sont considérés comme en "sous-occupation très accentuée", c’est-à-dire disposant d’au moins trois pièces de plus que nécessaire au regard de leur nombre d’habitants. Dans 93 % des cas, il s’agit de maisons individuelles, souvent anciennes, de plus de 100 m², occupées par une ou deux personnes, généralement des couples âgés ou des veufs/veuves restés dans la maison familiale après le départ des enfants.
 

Les occupants ? À 60 % des personnes de plus de 60 ans, majoritairement propriétaires depuis longtemps. Le logement devenu "trop grand" est souvent un héritage de la vie passée, rarement perçu comme une contrainte. D’ailleurs, seuls 9 % des habitants de ces logements disent vouloir déménager, contre 27 % dans l’ensemble de la population.
 

Les zones les plus touchées ? Les régions rurales et l’ouest du pays. La Bretagne est en tête, avec 36 % de logements concernés, suivie par les Pays de la Loire et la Bourgogne-Franche-Comté. À l’inverse, les zones urbaines denses et chères comme l’Île-de-France ou PACA sont beaucoup moins exposées, tout comme les DOM. Paris fait figure d’exception : peu de sous-occupation… mais en volume, cela représente tout de même 56 000 logements, souvent des appartements de plus de trois pièces occupés seuls.
 

Un facteur bloquant pour le marché... difficile à actionner
Ce phénomène n’est pas nouveau, mais il s’accentue. En 2006, 22 % des logements étaient en sous-occupation sévère. En 2022, ce taux est passé à 25 %, et pourrait continuer de croître avec le vieillissement démographique. Selon les projections de l’Insee, les 60-85 ans représenteront 27 % de la population en 2040, contre 24 % en 2022. 

 

Une tendance de fond qui fige une part croissante du parc résidentiel.
La mobilité résidentielle de ces ménages est faible. D’une part par attachement affectif, d’autre part par manque de solutions de relogement adaptées à proximité. Et surtout parce que ces surfaces "en trop" servent encore : pour héberger les enfants ponctuellement, les petits-enfants pendant les vacances, ou pour générer un revenu locatif temporaire. La perception d’un "trop grand logement" n’est donc pas universelle.
 

Face à cette réalité, les politiques publiques sont en difficulté : difficile de convaincre les seniors de déménager, ou de taxer la sous-occupation sans heurter un électorat largement propriétaire. Des formes alternatives d’habitat partagé (colocations intergénérationnelles, appartements évolutifs, bail solidaire senior) émergent, mais restent marginaux. L’enjeu est pourtant stratégique : dans un marché sous tension, libérer du foncier déjà bâti est une voie aussi cruciale que la construction neuve.
 

Source : Insee, étude "Une pièce de trop ?", juillet 2025